Saâd Eddine Ibrahim (Sociologue, farouche opposant au régime égyptien) : L’ennemi intime de M. Moubarak

novembre 29th, 2007

« Le prétexte ordinaire de ceux qui font le malheur des autres est qu’ils veulent leur bien. » Vauvenargues

Au Caire, les cercles du pouvoir s’accordent à dire que l’homme est plus dangereux que tous les partis d’opposition réunis. Ses capacités de nuisance seraient imprévisibles et ravageuses.

C’est pourquoi M. Moubarak s’en méfie comme la peste, en tentant de l’isoler en le discréditant aux yeux de l’opinion publique à travers une presse aux ordres. L’Egypte, avec ses 74 millions d’habitants, l’un des plus peuplés d’Afrique, ce grand vaisseau avec ses contradictions et ses espoirs, peut encore connaître des tempêtes. « Les prochaines échéances s’annoncent décisives », avertit Saâd Eddedine qui sait qu’il a tout à gagner dans le bras de fer inégal qui l’oppose au Raïs. Il est parfaitement en harmonie avec celui qui a décrété que quiconque est plus sévère que les lois est un tyran. N’allez surtout pas lui signifier qu’il prêche dans le désert. Il ne rate aucune occasion pour montrer que son combat n’est pas vain, suscitant assez de bruit pour le faire savoir. « Les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent et les islamistes ou frères musulmans, ici ‘’défenseurs des déshérités’’, attendent leur heure », constate-t-il. Bonne élève du FMI, l’Egypte de Moubarak ne sort pas de cette équation-là, porteuse d’une imprévisible explosion sociale.

Influencé par Nasser

Au pouvoir depuis 1981, le Raïs égyptien détient un record de longévité et il compte perpétuer son règne en passant le témoin à son fils Gamal, déjà propulsé à la tête du parti dominant. En Egypte, si les gamaât activent en sourdine et laissent le temps au temps, les autres voix discordantes sont priées d’aller se faire entendre ailleurs si elles ne sont pas carrément bâillonnées. Les rares poches de résistance se trouvent face à un appareil d’Etat qui accapare des pans entiers de la société. Il y a eu un sursaut de la société civile, qui s’est cristallisé autour du mouvement (Kifaya !, ça suffit !), cri de ralliement de tous les mécontentements, de toutes les frustrations, qui s’est époumoné à dénoncer l’autoritarisme du régime en demandant l’amendement de la Constitution. Dans cette contestation, le plus frappant est sans doute le phénomène Ibrahim, dont le procès s’ouvre ces jours-ci, qui a donné du fil à retordre à la classe politique et qui continue à défier les dirigeants en place envers et contre tous. C’est que l’homme est têtu. Sociologue et militant des droits de l’homme, Saâd Eddine Ibrahim, qui a guerroyé depuis plus d’un demi-siècle contre les ordres établis, dirige le Centre Ibn Khaldûn d’études sociologiques et politiques du Caire. Il a été emprisonné pendant deux ans parce qu’il a terni, selon les termes de l’accusation, l’image de l’Egypte et reçu illégalement des fonds étrangers. Mais Ibrahim, qui ne se laisse pas impressionner, y voit une autre raison : « Mon emprisonnement est dû au fait d’avoir évoqué dans un article cette nouvelle gouvernance mi-républicaine, mi-monarchique. Et je citais l’exemple de ces « fils de », prétendant à la succession en Syrie, au Yémen, en Libye et…en Egypte ! La montée en puissance de Gamal Moubarak se poursuit. C’est aussi contre ça que se bat l’opposition égyptienne ». Manière de dire qu’il n’est pas seul à remettre en cause l’ordre établi. Dans sa campagne contre cet « empêcheur de tourner en rond », le pouvoir égyptien s’est appuyé sur les partis et même sur certains députés pour stigmatiser cette figure de l’opposition, accusé d’avoir monté des pays étrangers contre l’Egypte et d’avoir cherché à convaincre les Américains de réduire leurs aides financières. Certains ont même exigé que sa nationalité lui soit retirée au motif qu’il a acquis la nationalité américaine, sans se conformer à la législation égyptienne. On a les prétextes qu’on peut. Pour Ibrahim, tous les moyens sont bons pour porter des coups de boutoir au pouvoir. Il reconnaît avoir rencontré George Bush en juin dernier en marge d’une visite à Prague (où se tenait une conférence internationale sur la démocratie), et il avoue même lui avoir demandé de conditionner les aides américaines aux progrès des réformes et à un meilleur respect des droits de l’homme. L’opposant révèle, par ailleurs, qu’il fera en sorte que les pressions internationales s’accroissent sur le régime, non seulement de la part des Américains, mais également de l’Union européenne. L’homme qui a décidé depuis le mois de juillet de s’exiler aux Etats-Unis et qui constitue un véritable trouble-fête depuis des décennies, se montrant solidaire des minorités, est né il y a 70 ans dans le village de Badine, près de la ville d’Al Mansoura.

Un exil forcé

Jeune adolescent, il a été marqué par la révolution des officiers libres qui ont pris le pouvoir en 1952. Il a même eu l’honneur de rencontrer Gamal Abdenacer, au cours d’une cérémonie récompensant les meilleurs lycéens. Le Raïs lui a offert son livre La philosophie de la Révolution. En 1964, après une licence en sciences sociales, il obtient une bourse qui lui permet de poursuivre ses études aux Etats-Unis où il se fait élire président de l’Union des étudiants arabes dans ce pays. Deux ans après, sa bourse est annulée en raison de son positionnement en faveur des régimes anti-nassériens. Il gagne sa vie en faisant de petits métiers et parvient même à décrocher un doctorat en sciences sociales. Le goût de la politique ne le quitte pas et il lie amitié avec la classe politique américaine et avec une Américaine, Barbara, qui deviendra son épouse. En 1972, il quitte l’Amérique pour retourner au Moyen-Orient, précisément à Beyrouth où un poste d’enseignant à l’université américaine lui est proposé. Là, il touche du doigt la réalité des Palestiniens chassés de Jordanie après le fameux Septembre noir de triste mémoire. Il embrasse la cause palestinienne qu’il défend sur tous les fronts. Après plus d’une décade d’exil forcé, Ibrahim rentre en Egypte. Déjà que ses relations avec le régime étaient tendues, elles deviennent exécrables en 1988 lorsqu’il lui vient l’idée de créer le Centre Ibn Khaldûn consacré à la recherche et aux droits de l’homme. Mais au lieu de se limiter à ces missions, le Centre axera ses travaux sur les sujets polémiques, notamment les droits des minorités religieuses et ethniques dans le monde arabe (Kurdes, Coptes, Berbères…). Des thèmes qui fâchent et qui seront au centre de la Conférence internationale sur les minorités organisée à Chypre et qui a visiblement agacé le régime égyptien dont les relais médiatiques, notamment, tombent à bras raccourcis sur Ibrahim. Toutes les injures et offenses sont bonnes pour le qualifier et le diaboliser. Il est même accusé d’être à la solde des puissances étrangères, un agent des Américains. Une vieille tactique récurrente qui, à force d’être usitée, a fini par ne plus convaincre personne. A la fin du siècle dernier, notre contestataire est arrêté et accusé de « corruption, de collecte de fonds étrangers en contradiction avec les lois égyptiennes, de mensonges portant atteinte à la réputation de l’Egypte et d’usages de faux dans le but d’obtenir des aides financières de la part de l’Union européenne ». Il est condamné à 7 années de prison. Il en purgera 15 mois et poursuivra son combat avec la même détermination. Ses contempteurs lui vouent respect et reconnaissent en lui un « battant », même s’ils sont aux antipodes de ses idées. Ils voient en lui l’homme qui a donné une autre vision de la politique égyptienne trop longtemps confinée dans un unanimisme désuet. C’est sa voix qui est venue changer un ton monotone et monocorde. « Il est le premier depuis de longues années à être à l’avant-garde de la bataille pour la réforme politique », admettent les observateurs. Déjà, le sociologue fait une projection sur le futur. A propos de la prochaine élection, « c’est une illusion. Ils cherchent à faire croire que l’élection sera véritablement disputée mais posent des conditions qui empêchent toute candidature. »

Les droits de l’homme, un sacerdoce

« C’est une présidentielle à la tunisienne. Le parti au pouvoir organise la compétition, présente ses propres candidats, planifie leur défaite et proclame les élections justes et pluralistes. J’ai joué un rôle modeste dans cette évolution en annonçant que je me présentais. C’était un véritable défi adressé à Hosni Moubarak. Trois ou quatre personnes ont suivi mon exemple. Moubarak nous a rejoints à mi-chemin, en initiant ce processus tout en s’assurant que nous en serions exclus. Un candidat indépendant doit obtenir le parrainage de 250 élus locaux et nationaux. Avec un parti au pouvoir, le PND, qui contrôle 90% des mandats, c’est virtuellement impossible. » Nullement traumatisé par ses revers, bien que tyrannisé par ses adversaires, il joue avec sa célébrité pour « secouer le système ». Il a ses arguments et s’en va partout, répétant « qu’il ne faut s’attendre à rien de ce régime corrompu ». Jusqu’au bout, il est resté rétif aux voix conciliantes qui lui conseillaient de modérer ses jugements vis-à-vis du pouvoir et de rentrer au pays. S’il persiste à camper sur ses positions, le plus célèbre des opposants politiques égyptiens compte bien rentrer au pays et passer ses vieux jours chez lui. « C’est mon vœu, confie-t-il dans un murmure étouffé. Mais, ajoute-t-il ironique, personne ne sait de quoi demain sera fait, surtout dans nos contrées. Ce qui est sûr, c’est que la roue tourne et personne ne pourra revenir en arrière. Le mouvement est enclenché. Il faut compter sur le facteur temps. Le régime montre des signes de faiblesse. Le mur du silence a cédé. Les gens n’hésitent plus à critiquer publiquement Moubarak, à dénoncer la corruption. C’est une avancée, en attendant plus. Ce jour viendra, Incha Allah », espère-t-il même s’il n’y croit pas vraiment avec ce fier sentiment d’avoir au moins essayé.

Parcours

Professeur de sociologie politique à l’Université américaine du Caire, Saâd Eddine Ibrahim est né en 1938 dans une région rurale de l’Egypte. Après des études au Caire, il part aux Etats-Unis où il obtient un doctorat en sciences sociales. Président du conseil d’administration au Centre Ibn Khaldoun, il est aussi administrateur du Forum de la pensée arabe en Jordanie et membre du Club de Rome. Il compte parmi les intellectuels les plus médiatiques du monde arabe. il a siégé au Conseil consultatif pour le développement durable de la Banque mondiale et au Conseil de gouvernance de Transparency international, une ONG qui se consacre à la dénonciation de la corruption. Ibrahim a publié plus de 35 livres en arabe et en anglais. Il a reçu nombre de décorations, de récompenses scientifiques et de prix pour la défense des droits de l’homme. Homme aux multiples facettes, il fut l’un des rares intellectuels arabes à soutenir l’intervention américaine en Irak en 2003.

Hamid Tahri

L’Etat riposte aux kamikazes potentiels

novembre 6th, 2007

Les pouvoirs publics, à travers le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, semblent avoir pris la mesure de la menace que font peser les courants religieux venus de l’Orient et qui prêchent salafisme, wahhabisme et autre chiisme sur les jeunes Algériens.

Pour y remédier, le département de Ghlamallah organise la riposte en ciblant cette catégorie sociale si vulnérable aux discours nuisibles venus d’ailleurs. C’est, grosso modo, la quintessence de la rencontre annuelle d’évaluation organisée par le ministère des Affaires religieuses à l’intention des directeurs de wilaya de ce secteur tenue à Dar (maison) el imam, à Alger. L’importance et le sérieux de cette réunion résident dans le fait que c’est le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui a été l’inspirateur de ce que l’on appelle la « nouvelle stratégie d’action » des affaires religieuses.

Il y a donc une prise de conscience en haut lieu quant à cette menace de la propagation du salafisme et du chiisme au sein de la jeunesse algérienne pouvant servir de carburant et matrice idéologique au fanatisme, voire au terrorisme. Le mal n’est pas aussi expressément désigné mais il est aisé de deviner la cible des pouvoirs publics à travers la rhétorique du ministère des Wakfs qui se décline sous forme d’une « stratégie nationale pour prémunir la mosquée et la jeunesse contre les courants de pensées destructeurs » ou encore « l’intrusion de concepts faux et de pratiques cultuelles indésirables ». Autant dire que l’Etat vient de donner le là à un travail de sensibilisation et de pédagogie visant à rendre nos mosquées et nos jeunes imperméables à la littérature subversive et autres interprétations erronées du texte sacré.

Première grande décision : l’installation prochaine de la très attendue Dar el ifta (maison de la prédication) que le président de la République avait annoncée en 2003 avant d’être remisée au placard. Cette structure qui sera seule habilitée à émettre les fatwas devrait mettre hors d’état de nuire — religieusement parlant — les propagateurs des fatwas à l’emporte-pièce et débusquer les interprétations intéressées du texte coranique. Pour ce faire, le ministre des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah, a annoncé la réactivation et la réorganisation des commissions des fatwas au niveau des wilayas desquelles émanera le conseil national de la fatwa. Au-delà de l’émission et l’uniformisation des fatwas, ce dernier s’attellera à encadrer « les imams compétents » et les « mourchidate » (guides religieux) pour servir de « cellules d’écoute aux préoccupations des jeunes ».

Et en appoint à l’action de Dar el ifta et ses démembrements locaux, le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs a dicté une conduite à tenir aux directions de wilaya en vue de contrer les mouvements extrémistes sous tous leurs qamis… Ce nouveau dispositif, en retard au demeurant, adopté à l’issue de cette réunion, constitue une sorte de feuille de route des autorités pour mettre les jeunes Algériens en phase avec leur religion. Bouabdellah Ghlamallah s’est chargé de traduire concrètement les « commandements » du président de la République lors de son audition le mois de Ramadhan dernier.

Le plan d’action est axé prioritairement sur « l’efficacité du travail de la mosquée dans la préservation de la personnalité de la société algérienne dans sa dimension civilisationnelle, religieuse, linguistique et historique », comme le souligne le communiqué rendu public hier par le conseiller du ministre, Abdellah Tamine. Et ce corpus de mesures de protection de la mosquée s’insère dans la nouvelle politique de prise en charge de la jeunesse annoncée par le président Bouteflika qui s’était alarmé par l’ampleur des phénomènes des harraga et des kamikazes. Le ministre a donc appelé en premier à « la consolidation des référents culturels et religieux » de l’Algérie pour faire barrage à l’intrusion de faux concepts et aux pratiques religieuses indésirables.

Sans les citer nommément, il est aisé de deviner l’allusion du ministre au prosélytisme salafiste et chiite sous toutes leurs manifestations téléguidées à partir de Téhéran et Riyad. La recette miracle ? Ghlamallah invite les responsables des mosquées d’Algérie à remplir une « fonction sociale et pédagogique ». En plus de l’enseignement religieux suivant le rite malékite, en vigueur en Algérie, il a instruit ses interlocuteurs à tout entreprendre pour que « les enfants apprennent à aimer leur patrie et les bonnes mœurs avant leur scolarisation ».

C’est, aux yeux du ministre, un moyen sûr de « consolider l’unité nationale et renforcer la solidarité grâce aux fonds de la zakat devant servir à financer la création de petites entreprises pour les jeunes ». Aussi, l’imam constitue-t-il la pierre angulaire de ce dispositif de prévention, dont la compétence fait désormais le cheval de bataille pour lutter contre l’obscurantisme. Le président Bouteflika a, ce faisant, instruit son ministre de mettre l’imam « à l’abri de toute pression extérieure et de lui donner tous les moyens à même d’élever son niveau de compétence ».

Le président de la République a également instruit Bouabdellah Ghlamallah de soumettre les universitaires à un concours d’accès au grade de « maître coranique » à l’effet de mieux encadrer les mosquées. Connu pour son faible pour les zaouïas, Bouteflika a demandé d’ouvrir les portes des instituts spécialisés aux « diplômés » de ces structures ainsi que les écoles coraniques.

Hassan Moali

Amar Ghoul dit tout sur le « Chantier du siècle » : « Nous sommes en train de construire une autoroute top »

novembre 6th, 2007

Ultime étape de notre « road movie » le long de l’autoroute Est-Ouest, nous observons une halte de deux heures chez Amar Ghoul, le « Monsieur travaux publics » de l’Exécutif qui a la réputation de ministre bosseur et humble. Le bureau est vaste, l’homme avenant. Derrière son pupitre, une large carte du « Projet du siècle ». Sur une photo, le ministre footballeur affublé d’un t-shirt « Sécurité routière » et prenant de vitesse l’équipe adverse, tandis que sur une autre, il pose entre Mustapha Dahleb et Ali Bencheikh. Mais ce n’est pas de terrassement des stades qu’il est question. C’est plutôt d’autoroute. Le « plus grand chantier de travaux publics », comme l’arbore fièrement une bande-annonce. Chiffres mirobolants à l’appui, Amar Ghoul dresse un bilan enthousiaste qui vous donnerait envie de partir sur les routes à la vitesse grand V.

- Monsieur le ministre, où en sont les travaux de l’autoroute Est-Ouest ?
- Je peux dire que nous sommes en avance sur certaines sections du chantier par rapport au planning de départ. Les chiffres sont parlants. L’état d’avancement des travaux révèle un linéaire libre, c’est-à-dire un couloir dégagé de 886 km (sur 927, ndlr), soit 96,5% du tracé. Au mois de septembre, nous étions à 791 km, soit 86,2%. En janvier 2007, nous étions à 19 km et au mois de juillet, le linéaire libéré était de 530 km. C’est donc une évolution très sensible. Les travaux de décapage sont de 297 km, soit 32,2%. Il convient de signaler qu’il s’agit d’une infrastructure nouvelle construite sur un site totalement vierge. La première étape consistait à faire ce qu’on appelle l’implantation de l’axe pour la matérialisation du couloir de l’autoroute. Il s’agit de planter « le polygonal de base » afin de définir la taille et la géométrie réelle de l’autoroute. Cette étape étant faite, nous passons à l’ouverture du couloir suivie du décapage. Tout cela pour dire que nous sommes à une étape avancée par rapport à nos prévisions.
- Quels ont été les plus gros écueils auxquels vous avez été confrontés dans le lancement de ce mégachantier ?
- Le plus grand problème c’était l’installation des entreprises de réalisation et le démarrage effectif des travaux. Il s’agissait de veiller à l’organisation générale du chantier et son encadrement, le suivi du matériel qui arrive du port et la bureaucratie qui va avec, la sécurisation du chantier, la construction des bases de vie, le recrutement de la main-d’œuvre algérienne, sa formation sur le site, etc. Ajoutez à cela l’octroi des carrières pour les matériaux, les gîtes de sable, les gîtes de dépôts de déblais, l’installation des pistes menant vers les chantiers. L’ordre de service a officiellement été donné le 18 septembre 2006. Nous avons souffert les sept premiers mois. Il faut se représenter les dimensions d’un tel chantier. C’est 500 ouvrages d’art, 70 viaducs, 13 tunnels, 45 millions de tonnes d’agrégats, 6000 unités engins, 40 centrales à béton, 40 centrales d’enrobage, 30 stations de concassage… Outre la structuration du chantier, il fallait adapter l’administration locale qui se confrontait pour la première fois à un projet d’une telle envergure. Il fallait inculquer aux collectivités locales la culture qui allait avec, délivrer rapidement les autorisations, faire établir les visas d’entrée pour quelque 22 000 Asiatiques, régler le problème du relogement des familles pour libérer l’emprise de l’autoroute, réinstaller les réseaux d’électricité, de gaz et d’AEP…
- Comment avez-vous traité le dossier sensible des expropriations ?
- Le dossier des expropriations a été traité au niveau local. Nous, on donnait les orientations générales en insistant sur trois principes : justice, équité et souplesse de la loi. Jusqu’à septembre dernier, il y a eu 7335 familles expropriées. Elles ont été relogées ou indemnisées en recevant un terrain, un logement ou bien une compensation financière. Le problème qui se posait avec acuité c’était le relogement. Il fallait trouver des logements prêts. Les walis ont leur parc de logements sociaux qui est limité. Il faut signaler aussi le problème des gens qui n’ont pas de papiers légaux. Ceux-là, on les appelle « les relogés ». Les expropriés sont en réalité les gens qui ont des papiers en règle. Quoi qu’il en soit, il fallait débloquer un budget conséquent pour reloger tout le monde. Cela représente 3 à 4% du budget global de l’autoroute Est-Ouest. Il a fallu procéder à une enquête parcellaire conduite par des experts. 95% des expropriations se sont faites à l’amiable.
- Certains ont posé le problème de l’indemnisation selon que l’on applique le prix du marché ou bien les tarifs domaniaux…
- Ce sont les gens des Domaines qui ont pris en main l’opération en procédant à une évaluation du prix des terrains. Un terrain à Alger ou une ville de l’intérieur ne sont à l’évidence pas cotés au même prix. Dans certaines wilayas « généreuses », il nous a été donné de constater des cas de gens « gourmands » qui, tout en ayant perçu des indemnités financières, ont été relogés sous la catégorie des « sans-papiers ». Il y a aussi le cas de gens qui habitent par exemple une villa dont ils ne possèdent pas le permis de construire ni aucun document officiel pour avoir construit sur un terrain qui leur appartient. On peut évaluer par exemple la villa à trois milliards et son propriétaire viendrait contester ce prix en disant que sur le marché, elle pourrait lui en rapporter cinq. Mais ce qu’il oublie, c’est qu’il ne peut pas la vendre vu qu’il n’a pas de papiers. Si on devait appliquer la loi dans sa rigueur, il n’aurait eu droit qu’à une indemnité sur le terrain. C’est pour cela que je parlais de souplesse de la loi. Il faudrait signaler un autre problème : un expert peut évaluer une villa au prix qu’elle vaut en 2007. Peut-être qu’au moment où elle avait été construite, elle avait coûté 1 milliard de centimes et qu’aujourd’hui, elle en vaut 5. Mais l’évaluation faite par les experts des finances se fait sur la base de prix arrêtés. Ils n’ont pas le référentiel des prix du marché. Ils sont donc prudents avec la loi et s’en tiennent au barème fixé par le ministère des Finances. C’est une gymnastique quotidienne.
- Qu’en est-il de l’étude concernant les gares de péage, Monsieur le ministre ?
- Elle est finalisée. Elle a été réalisée par Scetauroute, un bureau d’études international. Cette étude « multiparamètres » prévoit une gare de péage tous les 30 à 50 km. Cela dépend de l’environnement, des agglomérations. Je dois vous le confier : nous avons sauvé l’autoroute. Elle répond désormais aux normes européennes les plus modernes. Cela aurait été une catastrophe si on l’avait réalisée aux normes nationales. Les plaques de signalisation, la taille des grains, le corps de chaussée, les bandes, tout est normalisé. Chaque section a fait l’objet d’une étude spécifique.
- Peut-on connaître le coût du péage au kilomètre ?
- C’est « top secret » (rire). Ce qui est sûr, c’est que le ticket sera très accessible, « hadja khfifa » (c’est peu de chose). L’automobiliste sera gagnant sur tous les tableaux. Il gagnera en sécurité, en temps, en confort, et fera même des économies d’argent. Cela dit, il faut savoir que le tarif du péage n’est pas du ressort de mon département. Je dois préparer un dossier bien ficelé de A à Z et le présenter au Conseil des ministres, après, c’est au gouvernement de décider. L’étude qui a été faite nous a recommandé plusieurs options de coûts. Quand les gens en verront les effets, ils se rendront compte que nous avons construit une autoroute top. Il suffit de savoir que celle-ci permettra de baisser de six fois les accidents de la circulation. Jusqu’à présent, on a beaucoup plus des voies express. Il faut noter que l’autoroute Est-Ouest est entièrement financée sur le budget de l’Etat. Donc, on n’est pas pressé d’amortir un tel investissement. Ailleurs, ce sont des boîtes privées qui construisent et gèrent les autoroutes. Elles obéissent dès lors à une logique de rentabilité. Nous sommes restés, il faut le dire, un pays social. Nous sommes pour ainsi dire des gens de « gauche » dans notre culture. Ajoutez à cela que l’axe Est-Ouest représente 85% du trafic. C’est un trafic à flux tendu. Quand vous avez, mettons, 50 000 véhicules/jour, forcément le prix baisse. La route représente par ailleurs le moyen le plus sollicité pour le transport de marchandises. 90% des marchandises transitent par la route. 45% des poids lourds empruntent l’axe est-ouest. Les poids lourds vont payer 3 à 4 fois plus qu’un véhicule de tourisme dans la mesure où l’on tient compte du tonnage. Tout cela fera que la majorité des automobilistes sera avantagée.
- Plusieurs commerçants et restaurateurs nous ont exprimé leur inquiétude de voir leur source de subsistance faire faillite une fois l’ancienne route mise hors circuit. Que pourriez-vous leur dire ?
- Dans toute chose, il y a quelques effets négatifs. Et pour ce qui est de cet aspect, force est de constater que ce qui s’offre à nous, c’est le spectacle désolant de commerces anarchiques à l’instar de ceux qui se répandent sur la RN4 (vers Oran) et la RN5 (vers Constantine). Une fois la nouvelle autoroute en marche, les gens auront le choix entre la possibilité de continuer à exercer sur l’ancienne route qui, rappelons-le, sera toujours opérationnelle, ou s’ils veulent évoluer, ils auront l’opportunité d’aller vers quelque chose de meilleur en exerçant dans un cadre moderne et organisé. Dans chaque wilaya, il y a, admettons, cent commerces ou kiosques anarchiques. Ceux-là gagneraient à s’organiser en prenant en main un relais. Il y en aura 60 à 70 sur toute l’autoroute. Il s’agit de grands relais équipés de toutes les commodités. De même que l’autoroute a été conçue selon les normes européennes, les relais également seront conçus et gérés selon ces mêmes normes. Chaque relais sera constitué d’un grand magasin multiservices et d’une chambre de l’artisanat pour la poterie et autres produits traditionnels fabriqués dans chaque wilaya. Sont prévus également un guichet de banque, une agence postale, un poste de gendarmerie et un autre de la Protection civile. Une petite ville en somme.
- Qu’en est-il du transfert de technologie et de savoir-faire à l’issue d’un tel chantier ?
- Le savoir-faire, il faut l’arracher. Cela ne s’offre pas comme ça. Il faut copier. En ce qui nous concerne, nous avons veillé à créer les conditions d’un transfert de savoir-faire. Nous avons recruté les soixante majors de promotion des écoles et des instituts en rapport avec les travaux publics. Nous les avons envoyés en stage en Chine et au Japon. Les Japonais ont une technologie de pointe basée sur le guidage satellite. Les opérations sont conduites sur le mode du pilotage automatique par GPS. Même en Europe, ce sont des techniques nouvelles. Sachez qu’au moment du lancement de ce mégaprojet, nous avons bien étudié l’outil national. Nous avons vite compris l’inconséquence d’une telle option. Le projet était trop important. On aurait mis un siècle. Il fallait viser le top. Nous nous sommes dits, il faut profiter de l’embellie financière pour construire une autoroute aux normes européennes. A présent, nous envisageons de créer une grande école du BTPH pour la conduite et le management des grands projets, des gens opérationnels, pas des bureaucrates.
- Qu’en est-il du débouché de l’autoroute sur le flanc ouest ? Le problème politique avec le Maroc ne risque-t-il pas de compromettre le grand projet d’une transmaghrébine qui s’étendrait de Nouackchott à Tripoli ?
- Il existe un comité de liaison bilatéral aussi bien avec le Maroc qu’avec la Tunisie. Côté marocain, l’autoroute prend racine à Zoudj Beghal. Pour nous, elle s’arrête à Akid Lotfi. Il n’est pas dit que la situation de blocage actuelle va durer des générations. La décision de réouverture des frontières peut être prise en une fraction de seconde, mais la construction d’une autoroute requiert des années. Alors, nous devons faire confiance à l’avenir et regarder les choses avec une vision optimiste. Pour le côté tunisien, il devrait y avoir un grand centre de douanes entre les deux pays une fois les deux tronçons terminés de part et d’autre. Ça sera probablement un nouveau poste frontalier.
- Le parc d’El Kala est un sujet qui doit certainement vous agacer. Vous avez dit dans une précédente interview à El Watan que le tracé était « différé ». Où en est la nouvelle étude d’impact ?
- Elle est terminée. Il y a un observatoire de l’environnement qui suit le dossier pour la mise en œuvre des mesures prévues par l’étude d’impact. Par ailleurs, le débat est ouvert aux universitaires pour étudier la question et je demeure ouvert à toute proposition.
- Un mot sur la sécurité du chantier ?
- Le chantier est à 100% sécurisé grâce au soutien actif de l’ANP. Tout le tracé est sécurisé, et l’armée est fortement présente autour des tronçons de Bouzegza, Zbarbar, Lakhdaria et sur tout l’axe. Il n’y a aucune appréhension à se faire sur cet aspect.
- Le délai de livraison sera-t-il finalement respecté ?
- Absolument ! Comme je vous l’ai dit, nous serons même en avance sur certains segments. D’ailleurs, cela arrange même les consortiums étrangers qui auront à payer moins de charges. Le tronçon qui relie Hamiz-Larbatache à Lakhdaria et qui va jusqu’à Bordj Bou Arréridj en passant par le viaduc de Oued Rekham sera prêt au premier semestre 2008. Il reste quelques travaux sur le tunnel bitube, un problème d’équipement. Si l’équipement arrive à temps, dans trois mois, il sera opérationnel. Du côté de Oued Djer, d’ici fin décembre, les travaux seront finis.
- Ne va-t-il pas se poser un problème d’approvisionnement en bitume ?
- Pas du tout ! L’Algérie a de l’argent. En une semaine, nous pourrons importer autant de goudron qu’il faudra, quitte à mobiliser 50 bateaux chargés de bitume. En tout cas, il y a deux choses sur lesquelles on ne revient plus : le budget qui a été plafonné et le délai de 40 mois.
- Pour finir, quand vous quitterez le ministère des Travaux publics, M. Ghoul, vous irez au Barça ou bien à la Juve ?
- Au Barça (Rires)…

Chawki Amari

Mustapha Benfodil

Vidé de sa substance, ce repère ne mobilise plus les algériens : Le 1er Novembre, c’était hier…

novembre 3rd, 2007

Au moment où le révisionnisme bat son plein chez l’ancienne puissance coloniale, la célébration du 1er Novembre en Algérie se fait de manière presque complexée.

Furtivement, le 1er Novembre a été expédié par les officiels en deux temps trois mouvements… Cette date si chère et si charnière à l’histoire, le présent et l’avenir de l’Algérie, ne semble plus faire recette pour les tenants du pouvoir qui s’en sont servis jusqu’à l’usure. Cette journée chargée de symboles, qui se décline comme une longue page d’histoire, d’épopées et de sacrifices qui auraient pu inspirer les héritiers de la glorieuse révolution, est à présent vidée de sa substance.

Le « novembrisme », dont les partis au pouvoir — le FLN et le RND notamment — en ont fait un axe programmatique, est devenu un barbarisme qui n’émeut plus personne. Au fil des années, la commémoration d’un aussi grand moment de l’Algérie combattante est réduite à une journée chômée et payée… On est loin du faste, du recueillement et de la solennité qui caractérisaient le souvenir de ce repère historique. C’est à croire que la fierté nationale et l’ego patriotique se sont émoussés 53 années seulement après l’indépendance.

Le 1er Novembre 2007 a dû être « liquidé » par un communiqué laconique de circonstance de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) et le crochet classique du président de la République au sanctuaire des Martyrs pour y déposer la gerbe de fleurs. Au peuple, l’unique — la télévision nationale — a servi à nouveau le tout aussi unique film Patrouille à l’Est pour se mettre au diapason de cette page d’histoire… Tout se passe comme si le 1er Novembre est devenu une halte encombrante pour l’Algérie officielle qui a usé et abusé de ses idéaux au point de les discréditer aux yeux du peuple qui ne croit plus en rien.

Novembre des… harraga

Il est significatif de noter que le commun des Algériens s’intéresse de moins en moins à l’histoire de son pays à telle enseigne que la nouvelle génération lui a carrément tourné le dos. La morale de l’histoire est que, pour avoir été détournée et confisquée, la révolution a fini également par susciter la répulsion de ceux qui souffrent des dérives commises en son nom.

Le 1er Novembre tout comme le 5 Juillet sonnent encore creux dans l’oreille de nombreux Algériens gavés de discours patriotards qui ne remplissent pas le ventre. Les dépassements et autres forfaitures commis au nom de cette glorieuse révolution — parfois par les maquisards de la 25e heure — plusieurs années après l’indépendance ne sont pas, il est vrai, des motifs de fierté pour ceux qui aiment leur pays. Le monopole du pouvoir politique, le contrôle de la sphère économique et la main basse sur les privilèges projettent une image peu reluisante de ceux qui ont libéré le pays.

Et les nauséabonds déballages sur les « faux moudjahidine » ont achevé de jeter la suspicion sur ceux qui se drapent de la légitimité révolutionnaire pour s’autoriser toutes les turpitudes. La dichotomie entre le peuple et cette catégorie d’Algériens est telle qu’on a cru bon de la désigner par l’expression consacrée de « famille révolutionnaire ». Une famille qui, dans l’imaginaire collectif, s’apparente à une « caste » qui s’est appropriée l’héritage matériel et moral de novembre au détriment du peuple algérien, forcé d’accepter le second rôle.

Et c’est là tout l’enjeu de « la non-célébration » du 1er Novembre désormais désincarné. Pendant que sous d’autres latitudes, des nations ravivent le souvenir de leurs gloires et de leurs illustres acteurs, l’Algérie enterre, lentement mais sûrement, son passé glorieux comme si elle avait quelque chose à cacher. Les réactions mitigées et très en retard — et faussement chagrinées — à l’égard des déclarations choquantes des dirigeants de l’ancienne puissance coloniale renseignent du reste que Novembre est tout juste bon à servir de fonds de commerce politique pour se tirer d’affaire.

Cette date, et d’autres encore, sert de feuille de vigne pour cacher les tares d’un système totalement coupé des réalités. Elle sert aussi à légitimer un personnel politique idéologiquement stérilisant et généalogiquement finissant. Le président de la République, lui-même, se plaignait l’autre jour de ce que les jeunes ne « connaissent pas les valeurs de Novembre ». Un aveu lourd de sens qui traduit on ne peut mieux l’échec monumental de la culture véhiculée par ceux qui se sont autoproclamés tuteurs ad vitam aeternam de ce peuple.

Une telle confiscation ne pouvait produire autre chose que de jeunes harraga qu’on tente aujourd’hui de criminaliser. Quand on observe l’émeute s’imposer comme unique exutoire pour les laissés-pour-compte et la violence un moyen de se faire justice, il y a assurément matière à faire une introspection. Les Algériens de 2007 ne peuvent être plus « novembristes » que les « novembristes » eux-mêmes. On ne peut raisonnablement demander à cet honnête fonctionnaire qui pique le nez dans la poubelle dans l’espoir de trouver de quoi nourrir deux petites bouches ce qu’il pense de l’indépendance.

D’autant plus que les autorités à quelques niveaux qu’elles soient font tout pour supprimer ou ternir ces repères. La formule indignée du défunt moudjahid Bessaoud Mohand Arav est plus que jamais d’une brûlante actualité. « Heureux les martyrs qui n’ont rien vu », disait-il.

Hassan Moali

La vie intérieure de la pomme de terre

novembre 3rd, 2007

Et voilà ! Vous avez oublié les pommes de terre sur le feu et elles se sont liguées contre vous pour se transformer en une masse informe et farineuse. Du coup, impossible de les couper en rondelles dans la salade.

Les scientifiques, qui travaillent sur la pomme de terre, vous le diront : « C’est la faute à l’amidon. Il est le facteur le plus important de la tenue de la pomme de terre, car il constitue de 80 à 85% de la matière solide du tubercule », explique Anton Haverkort, responsable de l’Institut de recherche des plantes de l’Université Wageningen aux Pays-Bas, une sommité dans le monde de la recherche sur la pomme de terre. Ce chercheur n’est pas le seul à s’intéresser à la vie intérieure de la patate : des botanistes américains ont même envoyé des plants dans l’espace pour étudier leur croissance en état d’apesanteur.

L’enjeu économique est de taille, puisque de la composition de la pomme de terre dépendent sa tenue à la cuisson, son goût son adéquation pour être consommée en salade, en purée ou en frites. « Une pomme de terre ferme sera pauvre en amidon et une fois cuisinée, laissera un goût moelleux dans la bouche », souligne Kerry Huber, un scientifique de l’Université de l’Idaho (Etats-Unis). Ces variétés à chair ferme feront merveille dans les salades. « En règle générale, ajoute-t-il, les pommes de terre riches en amidon, plutôt pauvres en teneur en eau, sont mieux adaptées pour la cuisson au four, la purée et les frites » Mais que se passe-t-il au cours de la cuisson ? « Quelle que soit la méthode, deux choses se passent, résume-t-il.

De minuscules granules d’amidon à l’intérieur des cellules de la pomme de terre grossissent et exercent une pression sur le milieu aqueux, riche en pectine appelé lamelle moyenne, dans lequel les cellules sont suspendues. En même temps, la chaleur fait gonfler la pectine. Finalement, la lamelle moyenne qui maintient les cellules éclate. Vous obtenez alors une séparation cellulaire, qui crée la consistance farineuse de la pomme de terre cuite. », donc la consistance que recherche le cuisinier dans la purée ou les frites de ses rêves. Mais attention, il y a amidon et amidon.

« Beaucoup dépend de la proportion des deux types d’amidon que l’on trouve dans la pomme de terre, l’amylose et l’amylopectine, précise John Bamberg, professeur à l’Université du Wisconsin et directeur de la Banque américaine de germes de pomme de terre. La taille des cellules, la nature chimique de la pectine, la teneur en sucre, jouent également leur rôle. » Et Kerry Huber de conclure : « Exagérez la cuisson, et, quelle que soit la pomme de terre utilisée, vous obtiendrez quelque chose de peu ragoûtant.

Les cellules éclatent, libèrent tout leur amidon et vous vous retrouvez avec une texture translucide, pâteuse… » L’amidon est un glucide complexe qui sert de réserve d’énergie et de nutriment aux végétaux lors de la mauvaise saison. Il permet de stocker des nutriments glucidiques dans les cellules, sans les dissoudre dans l’eau. Pour l’être humain, il est une des ressources caloriques principales car le constituant principal des céréales( riz, maïs, blé, sorgho..) ou de la pomme de terre.

Le dernier livre de benchikou vient de paraître : “Les Geôles d’Alger” interdit au Salon du livre

novembre 3rd, 2007

Le livre, Les Geôles d’Alger, écrit par le journaliste Mohamed Benchicou, a été retiré mercredi dernier de la vente immédiatement après l’ouverture du Salon du livre d’Alger, qui se tient jusqu’au 9 novembre. L’information a été confirmée à l’AFP par Mohamed Benchicou. “Le livre a été retiré de l’exposition mercredi soir immédiatement après l’inauguration du salon par le président Abdelaziz Bouteflika”, a déclaré Benchicou à l’agence France Presse.

L’éditeur de M. Benchicou, Boussaâd Ouadi, a, pour sa part, précisé à l’AFP que “son stand a été fermé, sans explication, par les organisateurs du salon qui ont aussi saisi tous les ouvrages exposés”. Il faut savoir que le livre est déjà sorti en France aux éditions Riveneuve. Le stand de la maison d’édition Inas a été fermé par les organisateurs qui ont saisi tous les ouvrages exposés.

Selon une source du comité d’organisation du Salon du livre, “tout exposant est tenu de transmettre la liste des livres qui doivent être exposés dans les rayons. Inas Éditions a envoyé sa liste dans laquelle ne figurait pas le livre de Benchicou. De ce fait, le comité d’organisation n’a fait qu’appliquer les termes du règlement que l’ensemble des maisons d’éditions exposantes connaît”.
Cette mesure ne vise donc pas le livre de M. Benchicou spécifiquement, puisque le comité d’organisation a interdit 1 200 ouvrages. Il faut savoir que le stand de l’éditeur Inas devait abriter, jeudi après-midi, la première vente dédicace du livre Les Geôles d’Alger.

Mohamed Benchicou, directeur du journal Le Matin, suspendu depuis juillet 2004, a été emprisonné durant deux ans à l’issue d’un procès pour une affaire de bons de caisse. Dans son nouveau livre, Les Geôles d’Alger, Mohamed Benchicou raconte ses deux ans d’incarcération à la prison d’El-Harrach. Dans la préface, Gilles Perrault écrit : “Ce livre est roboratif, réconfortant et même enthousiasmant. Car Mohamed Benchicou avait été incarcéré avec en tête l’exhortation du poète Nazim Hikmet, autre détenu politique célèbre : l’important, c’est de ne pas se rendre”. “On ne peut rien contre la volonté d’un homme”, répétait Nelson Mandela. L’auteur de ce livre, ajoute Gilles Perrault, en apporte à son tour la superbe démonstration.

“Il est sorti des geôles d’Alger comme il y était entré : la tête haute. C’est une leçon de courage que nous délivre son livre aussi émouvant que passionnant. Puisse-t-elle être largement entendue, et notamment par ces puissants qui croient que l’intimidation et la violence iniques réussissent toujours à courber les hommes libres”, conclut-il.

Devant cette situation, le Syndicat des éditeurs a été saisi. Pour l’instant, aucune réaction n’a été enregistrée.

Amine Allami

Intempéries : 4 morts et des routes coupées

novembre 3rd, 2007

Décidément, la wilaya de Tizi Ouzou n’est pas épargnée par les calamités puisque, après les incendies de forêt, qui ont coûté la vie à six personnes l’été dernier, voilà que la région est touchée de plein fouet par la fatalité du ciel et… la négligence de l’homme.

Jamais au grand jamais Tizi Ouzou et toute sa région n’ont vécu un tel déluge. Les fortes pluies, qui se sont abattues durant ces trois derniers jours, auront enregistré des précipitations record puisque l’on a noté près de 200 mm d’eau accumulée en trois jours, alors que la moyenne annuelle est de 600 mm bon an mal an. Et si ces fortes pluies ont été accueillies favorablement par les hydrauliciens et les agriculteurs, il n’en demeure pas moins qu’elles auront causé de graves dégâts aux quatre coins de la wilaya où de nombreuses routes ont été coupées notamment à Tadmaït, Draâ Ben Khedda, Oued Aïssi, Freha, et Azazga.

Mais si les dégâts matériels sont considérables, une telle situation aura malheureusement tourné au drame et endeuillé de nombreuses familles puisque l’on a enregistré le décès de quatre citoyens emportés tragiquement par des eaux en furie.
Décidément, la wilaya de Tizi Ouzou n’est pas épargnée par les calamités puisque après les incendies de forêt, qui ont coûté la vie à six personnes l’été dernier, soit quatre à Béni Zmenzer et deux à Aït Mesbah, voilà que la région est touchée de plein fouet par la fatalité du ciel, mais aussi par la négligence de l’homme. Si un jeune écolier de dix ans a été emporté par un oued en crue à Attouche (daïra de Makouda), l’horreur aura atteint son paroxysme, jeudi après-midi à Tizi Ouzou, chef-lieu de wilaya, où trois citoyens, qui circulaient à bord d’une voiture, ont été littéralement emportés par des eaux en crue sur la route de oued Falli, menant à Tizi Ouzou vers la façade sud.

Il était environ 13h lorsqu’une retenue collinaire a débordé sur la forte pression des eaux pour déverser un véritable déluge sur l’axe routier de oued Falli. trois véhicules, qui circulaient aisément sur ce rançon routier, ont été surpris par les énormes trombes d’eau et ont été littéralement traînés sur plusieurs centaines de mètres pour échouer au fond d’un ovoïde collecteur d’eaux usées.
Si les passagers des deux premiers véhicules ont pu quitter précipitamment leur siège pour échapper à une mort certaine, un jeune couple originaire de Tirmitine, et circulant à bord d’un véhicule léger, n’a pas pu échapper au drame et a, malheureusement, péri dans ce sinistre effroyable.

Les sapeurs-pompiers ont dû lutter durant des heures pour tenter de récupérer les véhicules ensevelis sous des tonnes de boue et de branchages emportés par les eaux, et il aura fallu faire appel à un grutier privé pour dégager finalement en début de soirée les trois véhicules littéralement froissés et broyés par endroit au grand regret d’une foule nombreuse venue apporter son aide aux sauveteurs. Et si l’on pensait que cette tragédie n’avait emmené que ce malheureux couple repêché jeudi soir dans son propre véhicule et transféré à la morgue du CHU Mohamed-Nédir de Tizi Ouzou, le bilan s’est malheureusement alourdi hier matin, car un autre citoyen, âgé d’une quarantaine d’années et originaire de Mekla, a été repêché au même endroit.

Selon certains témoignages, la malheureuse victime se trouvait dans l’un des trois véhicules repêchés la veille et que si les autres occupants avaient réussi à quitter leur véhicule à temps, la malheureuse victime a été surprise par les eaux en furie et son corps a été retrouvé bien au-delà du col d’un égout.

“J’étais à bord du premier véhicule avec deux amis du village d’Ath Arif lorsque nous avions aperçu toute cette masse d’eau effroyable qui venait vers nous. On s’est aussitôt rappelé de la tragédie de Bab El-Oued et nous avons eu le réflexe de quitter à la hâte notre véhicule pour éviter la catastrophe. Nous étions médusés en regardant tous ces véhicules emportés par les eaux”, nous dira un jeune témoin du drame qui était allé changer ses vêtements mouillés au village pour revenir donner un coup de main aux sauveteurs.

“Ça s’est passé en quelques fractions de seconde, mais nous avons entendu un bruit sourd venu d’une colline avoisinante ,puis nous avons fini par savoir que c’était une retenue collinaire qui avait lâché”, nous dira le jeune miraculé qui avait encore la gorge serrée même en début de soirée où les sauveteurs s’acharnaient à retenir les véhicules sinistrés et les occupants décédés des décombres macabres. C’est dire qu’en cette journée dramatique, les bienfaits du ciel s’étaient transformés en scène d’horreur et de malédiction tout simplement insoutenables. La tragédie de Bab El-Oued et de Triolet est encore douloureusement présente dans les esprits…


Mohamed Haouchine

53e anniversaire du 1er novembre : Nous qui sommes appelés à les juger…

novembre 1st, 2007

Les clameurs de l’automne 1954 ont répondu à l’écho du tumulte de la chute d’Alger, le 5 juillet 1830. Depuis que les 37 000 hommes des troupes colonialistes françaises ont piétiné le sable des plages de Sidi Fredj, les Algériens n’ont, à aucun moment de leur histoire, cessé de braver la bestialité de l’occupant.

Durant dix-sept ans, alors que le pouvoir vénal de la Régence démissionnait en emportant une partie de son trésor, l’émir Abdelkader (dont l’Algérie va bientôt célébrer le bicentenaire de la naissance (septembre 2008) et le 175e anniversaire de sa désignation comme émir (novembre 2007)], conduira la résistance farouche du peuple réel. Jusqu’à l’insurrection de novembre, des révoltes endémiques ont boursouflé l’histoire de l’occupation. Les Algériens ont usé, encore et toujours, en permanence de leur droit inaliénable à la résistance contre un ennemi puissant, impitoyable, mortel. Chaque année, la guerre et la misère prélevaient leur tribut, exigeant d’être réglées cash et en vies humaines. Spolié de ses biens meubles et immeubles, mutilé de sa mémoire, amputé de sa culture, un impôt qui le châtre, son école abolie, sa société désagrégée, l’Algérien était devenu à la fin du XIXe siècle une plaie ouverte, taillée à vif, purulente des rébellions avortées mais recommencées malgré l’échec. Face à lui, du lever au lever, la gueule des canons ou la schlague des prévôts. A chaque avers son revers.

S’il a désappris la joie simple d’être quelqu’un sur la Terre, l’Algérien a, en s’endurcissant, redécouvert les réflexes de survie, de protection et de préservation de ses atavismes dans lesquels s’ancrent les principes d’indépendance et les valeurs qui déifient la liberté. Il renoncera à défier l’ennemi et à l’affronter à l’aide de fourches et de faux, dans des jacqueries meurtrières qui tournaient inévitablement en faveur du colonisateur. Il se fera aux idées-armes du XXe siècle, même si son dominateur l’a maintenu délibérément, et pour cause, dans un état d’ignorance animale. Peu à peu se formera presque dans la clandestinité, à l’insu d’un pouvoir implacable, une élite rustique, timide dans ses revendications, gauche dans ses stratégies et oblique dans ses objectifs. Ces précurseurs sont les pétitionnaires du Constantinois qui ont adressé en 1881 une supplique au Sénat où dix ans plus tard, les habitants de Tlemcen qui signaient un placet contre un projet qui envisageait une naturalisation en masse et l’imposition du service militaire.

C’est aussi Mohamed Ben Rahal (1856-1928), que l’historien Mahfoud Kaddache décrit comme « le plus brillant des musulmans » de sa « génération »qui a su, selon l’historien disparu, « trouver des accents nouveaux pour défendre l’Islam et poser le problème du devenir algérien. Ses discours sur la civilisation musulmane révélaient une foi immense en l’avenir de l’Algérie et du Maghreb tout entier, dont le sort, disait-il, était lié à l’Islam et à sa renaissance ». Ce fils de Nédroma qui a fréquenté le collège Impérial à Alger, démissionnait de son poste de caïd en 1884, il réclamait une véritable représentation dans les institutions. « Vous n’obtiendrez jamais de l’indigène que par l’indigène. Nous voulons un sénateur et un député indigènes nommés par des indigènes »… Parlant de « l’assimilation-fusion », il disait que c’est « une irréalisable utopie ». En 1901, Ben Rahal soutenait que l’Islam était apte à adopter la civilisation moderne, et que si cela était nécessaire, il serait de taille à le faire « malgré lui et contre lui ». Ces illustres inconnus, hélas absents des manuels scolaires, marqueront, comme l’aube marque le début du jour, l’ébranlement de l’histoire du mouvement national.

En général, les historiens situent, en avril 1911, les premières tentatives de politisation des revendications « indigènes ». Plutôt assimilationnistes, elles seront exposées dans le journal Islam. En gros, elles demandaient l’élection des maires, l’extension de l’électorat municipal, des réformes administratives, l’égalité devant l’impôt, etc. Le 3 février 1912, c’est-à-dire à la veille de la Première Guerre mondiale, un décret établissait « la conscription obligatoire ». L’Etat français, comme offre politique nouvelle en direction des Algériens, s’assurait en fait de la disponibilité de la chair à canon en prévision de la boucherie de Verdun. Un « Comité de défense des intérêts musulmans » qui deviendra plus tard « le Manifeste Jeune Algérien » par cousinage aux « Jeunes Turcs », mouvement réformateur ottoman lancé en 1889, dépêcha à Paris en juin 1912, une délégation dirigée par le Dr Belkacem Benthami (1881-1940), conseiller municipal d’Alger qui allait devenir en 1927 président de la Fédération des élus. Il était accompagné de huit autres notables, avocats ou médecins représentants de quelques villes, pour remettre au président Raymond Poincaré un « manifeste » proposant un certain nombre de réformes qu’ils pensaient légitimes, en contrepartie de la décision d’instaurer le service militaire : « Les indigènes d’Algérie sont prêts à remplir vis-à-vis de la mère patrie, tous leurs devoirs de patriotes, mais ils estiment que cette nouvelle charge (la conscription) devrait avoir pour contrepartie une amélioration de leur sort. » (Voir encadré). Le mouvement qui s’engageait au début du siècle passé était principalement animé par une bourgeoisie extraite des anciennes familles féodales, largement favorisées par le système colonialiste, lequel y voyait plutôt des alliés susceptibles de constituer le premier bouclier contre d’éventuelles menaces populaires. Leur pensée politique moutonnante suggérait des revendications sans consistance.

Ils associaient le fez et la cravate et sur leur poitrine couverte d’un double burnous, ils arboraient en général médailles et décorations dont l’occupant était prodigue et à leur main pendouillait un chapelet. Marthe et Edmond Gouvion, chantres du colonialisme tant au Maroc qu’en Algérie, leur consacreront un livre célèbre : Kitab Aâyane el-Marhariba. Mais ceci n’ôte rien à leur mérite de défricheurs. C’était si facile de ne pas voir le malheur et les suppliques manifestes et autres cahiers de doléances, que ces fourriers s’ingéniaient à élaborer, nourrir les poissons d’argent qui peuplent les tiroirs des politiciens, car le sort des « indigènes » d’Algérie ou d’ailleurs, dans toutes les colonies, était la dernière préoccupation des traînards de sabres qui échafaudaient de terribles plans guerriers. Par dizaines de milliers, les Algériens iront mourir, la bouche ouverte, dans les tranchées bourbeuses de France. Ce mouvement va gagner en ampleur et se diversifiera au fil des ans.

Il se ramifiera et gagnera en capillarité, jusqu’à irriguer l’ensemble du pays et de la nation qui se reconnaît dans le mot d’ordre d’indépendance. Mais ce sera loin d’être « un long fleuve tranquille ». La pensée politique algérienne a évolué de façon chaotique. Elle a été tourmentée par la répression permanente du colonialisme et fragilisée par ses contradictions internes et les luttes de clans, car la pratique de la cooptation a toujours prévalu au détriment du fonctionnement démocratique. Mais, ainsi que le relevait fort pertinemment Mabrouk Belhocine dans une interview : « Vous connaissez beaucoup de pays qui ont fait la Révolution avec la démocratie ? » (in Le Monde du 28 octobre 2004).

Lorsqu’on parle de mouvement national, on se réfère souvent à la filière issue de l’Etoile nord-africaine, qui a donné le PPA puis le MTLD et dont quelques militants ont constitué le CRUA puis le FLN. C’est aller vite en besogne et exclure injustement d’autres « parties » et « partis » qui ont contribué à la formation de la philosophie politique qui a conduit à la libération de la domination coloniale. Si l’idée d’indépendance a été portée essentiellement au départ par les patriotes qui se revendiquent de l’héritage de l’ENA, cette dernière n’a pas germé ex nihilo, elle est aussi une gradation dans un processus, dont les origines se perdent dans la résistance protéiforme des Algériens sans exclusive.

Le nationalisme et le patriotisme algérien n’ont pas de papa ! La vision monopolistique du nationalisme et du patriotisme a mis en danger le cheminement de l’action nationale vers une issue libératrice. A la veille du 1er Novembre 1954, le mouvement national subissait une catagenèse due à des luttes de personnes et à l’exclusivisme vers lequel avait mené le culte de la personnalité de Messali Hadj, auquel on continue d’attribuer en dépit du bon sens et de l’ADN de l’histoire, la paternité du mouvement national. Analysant la situation, les auteurs de la proclamation du 1er Novembre relevaient : « C’est ainsi que notre mouvement national, terrassé par des années d’immobilisme et de routine, mal orienté, privé du soutien indispensable de l’opinion populaire, dépassé par les événements, se désagrège progressivement à la grande satisfaction du colonialisme, qui croit avoir remporté la plus grande victoire de sa lutte contre l’avant-garde algérienne ».

« L’heure est grave ! », poursuit ce texte fondateur, avant de tirer les conséquences : « Devant cette situation qui risque de devenir irréparable, une équipe de jeunes responsables et militants conscients, ralliant autour d’elle la majorité des éléments encore sains et décidés, a jugé le moment venu de sortir le mouvement national de l’impasse où l’ont acculé les luttes de personnes et d’influence, pour le lancer aux côtés des frères marocains et tunisiens dans la véritable lutte révolutionnaire. » Les hommes historiques qui ont pris la responsabilité du déclenchement de la lutte armée s’ils se revendiquent du PPA-MTLD, s’en démarquent quant à la démarche et marquent leur rupture vis-à-vis des « centralistes » et des « Messalistes », puisqu’ils proclament dans la déclaration : « Nous tenons à cet effet à préciser que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir. » Mais les autorités coloniales persisteront dans leur entêtement à croire, que les responsables de l’insurrection sont les « habitants » de leurs fichiers de police.

Elles s’empresseront « dès l’heure légale des perquisitions », d’investir les permanences du MTLD et de procéder à l’arrestation des militants de ce parti lesquels, à l’évidence, avaient été eux aussi pris de court par les insurgés. A leur libération, quelques semaines après pour les uns et quelques mois pour les autres, ils ne pouvaient pas, à l’évidence, se démarquer de l’action qui venait d’être engagée. Ils se sont pour l’écrasante majorité rangés dans du côté du FLN. Celui-ci allait devenir le creuset dans lequel s’est fondu tout ce que le mouvement national comportait comme forces vives. Indépendamment des idées politiques des uns ou des autres, il allait réunir sous sa bannière tous les Algériens puisqu’il déclarait : « Notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi et aveugle, qui s’est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifique. »

Sources :

- Proclamation du 1er Novembre 1954
- Emir Khaled. Lettre à Wilson et autres textes. Editions ANEP. Alger 2005.
- Mahfoud Kaddache. Histoire du nationalisme algérien. Question nationale et politique algérienne 1919-1951. Tome I. SNED Alger 1980.
- Messali Hadj par les textes. Textes choisis par Jacques Simon. Editions Bouchène. 2000.
- René Galissot. Algérie colonisée, Algérie algérienne (1870-1962). La République française et les indigènes. Barzakh. Alger 2007.
- Achour Cheurfi. La classe politique algérienne de 1900 à nos jours. Casbah éditions. Alger 2001.

Boukhalfa Amazit

Extraits du manifeste Jeune Algérien

novembre 1st, 2007

« Les indigènes d’Algérie sont prêts à remplir vis-à-vis de la mère patrie tous leurs devoirs de patriotes, mais ils estiment que cette nouvelle charge (la conscription) devrait avoir pour contrepartie une amélioration de leur sort. D’une part, il considère comme nécessaires :
a) la réduction du service militaire à deux années au même titre que les Français ;
b) l’appel à vingt et un ans au lieu de dix-huit ans parce qu’à cet âge, les appelés ne sont pas suffisamment formés au point de vue physique ;
c) la suppression de la prime, parce que les familles seraient fières de voir leurs enfants servir dans les rangs de l’armée française sans compensation pécuniaire. Et d’autre part, ils demandent que leur soient accordées les compensations effectives suivantes :
1) la réforme du régime répressif ;
2) une représentation sérieuse et suffisante dans les assemblées de l’Algérie et de la métropole ;
3) la juste répartition des impôts ;
4) l’affectation équitable des ressources budgétaires entre les divers éléments de la population algérienne.

Vœux des notables sur la question de la représentation indigène
1) Que le collège électoral soit élargi pour assurer l’efficacité et la sincérité du vote ;
2) que le nombre de représentants indigènes soit porté dans les assemblées algériennes aux deux cinquième de leur effectif ;
3) que le collège électoral soit composé de la même façon pour les élections à toutes les assemblées algériennes ;
4) que les conseillers municipaux indigènes aient le droit de prendre part à l’élection des maires et des adjoints ;
5) que les mandats publics soient déclarés incompatibles avec les fonctions de caïd et d’adjoints indigènes ;
6 ) que les indigènes soient représentés au Parlement français ou qu’il soit créé à Paris un conseil où les musulmans d’Algérie seraient représentés par des mandataires élus par eux ;
7) que ceux qui auront satisfait à l’obligation du service militaire par voie d’appel ou d’engagement volontaire, aient le droit d’opter pour la qualité de citoyen français sans être soumis aux formalités actuelles et sur une simple déclaration.

Claude Collot - Jean-Robert Henry. Le mouvement algérien. Textes 1912-1954. L’Harmattan - Paris 1978. pp.23-24.

Les prémices du 1er Novembre 1954 dans le Constantinois

novembre 1st, 2007

Guerre révolutionnaire”, la guerre d’Algérie le fut au sens premier du mot révolution, bouleversement complet de l’ordre des choses… : peu d’époques de notre histoire présentent autant d’aspérités et de ruptures…

Avec la Révolution française et la Seconde Guerre mondiale, la guerre d’Algérie est de ces époques-là. » Signé, Service historique de l’armée de terre, en introduction de l’inventaire 1945-1967, tome premier (Château de Vincennes, 2000). Cet éclair de vérité, soudaine, est la conséquence de l’adoption de la loi du 18 octobre 1999 autorisant l’expression « guerre d’Algérie », pour la séquence 1954-1962. Bienvenue à la guerre des mots ! Profitons des aveux de cette « Grande muette », énumérant les contingents engagés depuis la 3e République, pour rappeler qu’en terminologie polémologique ou en français banal, une colonisation maintenue par un quadrillage militaire permanent se dit occupation.

Quelle gamin/e de Guelma, dans la torpeur des vacances d’été, ne répétait dès l’âge de six ans, bien avant le premier coup de feu de 1954 il faut sortir nos vainqueurs » (nissara). Après un rappel du contexte international et national post 1945, spécifique au Constantinois, nous illustrerons notre hommage par un portrait de Souidani, natif de Guelma, acteur prestigieux de la Geste algérienne, héros parmi tant d’autres, membre du Comité des 22, assassiné le 16 avril 1956 par la police française, en se rendant à une mission sur la route de Blida. Comme chacun le sait, la stratégie coloniale ne se pratiquait pas par des moyens identiques dans les trois départements. L’Algérois servait de vitrine administrative et présentait « tous les caractères d’une collectivité urbaine de type métropolitain ». L’Oranie, compte tenu de la promiscuité de nombreux Etats européens de Méditerranée, servait de creuset pour noyauter l’identité algérienne. Reste le Constantinois.

Le bréviaire colonial pour le désigner est infini : sous-administré, département indigène, bouillon de culture de l’insurrection … et enfin, la palme : « Population hermétique à toute civilisation coloniale ». Mais ces « hermétiques », hommes, femmes, jeunes et moins jeunes qui n’étaient pas profs à sciences po, n’en étaient pas moins de redoutables pédagogues, visités par le génie de la libération. Les activités des maquis (El Mahouna, Arris, Foum Toub), la constitution des caches d’armes, documents du SHAT à l’appui ne s’arrêtèrent jamais depuis 1945.

La chute de Diên Biên Phu est venue faire le reste : le 8 mai 1954, la sonnerie aux morts, le Sous-préfet, la main au képi et le regard penaud, le plaisir à peine contenu dans les yeux des indigènes, les enfants chuchotant dans les rangs des badauds ce qui est arrivé à l’armée française, la veille en Indochine. Plus tard, nous saurons que 28 000 hommes avaient été laissés dans la cuvette sous commandement de Bigeard et Lacheroy qui viendront en Algérie assouvir une tentation illusoire de revanche. Une parenthèse pour rappeler que l’engagement de la France en Indochine devait offrir une revanche sur la défaite éclair de juin 1940, sur la Meuse ; la répression de 1871/72, en Algérie, était une revanche sur le traumatisme de Sedan et l’invasion de 1830, une revanche sur les 32 divisions laissées à Waterloo et l’humiliant traité de Vienne de 1815.

A défaut d’avoir pu « franciser » l’Europe, il fallait « franciser » l’Algérie. Le Constantinois va avoir droit aux honneurs militaires dus à son rang de « foyer de la dissidence ». Chaque zone était subdivisée en secteur, sous-secteur, groupement de secteur, secteur autonome, zone opérationnelle, groupement opérationnel. Lacheroy, fort de la débâcle d’Indochine, va se transformer en théoricien de la « guerre subversive » pour « écraser la rébellion » : services spéciaux, infiltration par des informateurs, tri et traitement des suspects et prisonniers par les DOP… Si Ali Lounici rappelle fort justement la participation des forces de l’OTAN à la « pacification », de Gaulle leur affirmait que le soldat français en Algérie était la sentinelle en Méditerranée, contre le communisme car les nationalismes nord-africains sont un simple avatar de la subversion communiste.

« Pensés dans le contexte de la guerre froide, fondés sur le souvenir de la Seconde Guerre mondiale, ces organismes devaient servir à préparer un repli français sur le théâtre d’Afrique du Nord après l’invasion de l’Europe occidentale par les troupes du bloc de l’Est ». Fin de citation (p. 21, cité supra). Naturellement, le déséquilibre des forces en présence n’avait sûrement pas échappé au « Groupe des 22 », qui se réunissaient en août-octobre 1954 pour affiner le 1er Novembre. L’été 1953, la police française avait assassiné l’un des organisateurs qui quadrillait le secteur de Souk Ahras, Hachani Madani.

La coutume policière consistait à qualifier les militants de bandits de droit commun. Le lendemain, la police judiciaire, transportée sur les lieux pour dresser le procès-verbal de pure forme, s’était trouvée devant les murs de Souk Ahras recouverts d’inscriptions, au risque de provoquer un bain de sang : « Hachani Madani est mort pour sa patrie. » Souidani Boudjemaâ, dont le père fut assassiné le 8 mai 1945, sortant à peine de l’adolescence, est entré en clandestinité et s’était immédiatement mis à l’œuvre de formation de jeunes orphelins de1945, comme lui. Certains enfants n’ayant plus de parents étaient parqués dans les orphelinats sur les hauteurs de Guelma. Il arrivait à y pénétrer et les informait de la lutte qui continuait.

Lors de leur sortie, ils racontaient ce que Souidani leur a appris. Ils ajoutaient toujours : « Souidani est très intelligent. » Naturellement, il avait toutes les polices du Constantinois à ses trousses. Il faisait échec à tous les pièges et barrages qui lui étaient tendus par sa connaissance méticuleuse du terrain, sa mobilité et ses capacités de déguisement. « Il était une vraie légende, il avait le pas aussi silencieux que l’humidité. » Quand la police l’attendait à Guelma, le lendemain, la ville bruissait des détails de sa visite. La maison de sa mère était surveillée jour et nuit, elle était continuellement harcelée : si elle aidait à son arrestation, on lui laisserait la vie sauve. Mais à Guelma, qui avait peur de mourir ? Il n’y avait pas une seule famille qui n’ait assisté à l’arrestation, au convoyage d’un ou plusieurs de ses membres, par le marchand de spiritueux du quartier, le médecin du coin de la rue, le colon de la maison d’en face, qui se sont relayés pour les exécuter dans les campagnes environnantes.

En plein été, les Européens partaient en vacances en Métropole et nous restions entre nous ou presque. Le soir, nous observions les colons, à l’opulence provocante, s’attardant à table, à leurs terrasses, sous Ies lumières. Souvent, pendant le repas familial, la voisine la plus âgée racontait comment elle avait suivi les suppliciés et son souvenir précis de celui qui a eu le temps de sortir un mouchoir de sa poche pour se couvrir le visage. Les enfants buvaient ses paroles dans un silence religieux. Le ciel à Guelma était très clair la nuit, balayé par les vents de Djebel Mahouna. En août, il pleuvait des moissons d’étoiles filantes. Les voisins dormaient au frais en plein air et l’on entendait des voix de jeunes filles, de femmes faire des voeux : « Aidez-nous Dieu à avoir l’indépendance ! » Traditionnellement, les femmes ajoutaient un attribut à leur prénom pour spécifier leur engagement, par exemple « El Watania » pour celle qui affrontait ouvertement la police ou « Ma Mbarka » pour celle qui avait suivi les suppliciés sur le chemin de Sidi El Hadj Embarek.

Les regards étaient lourds. Les cours intérieures des maisons bruissaient. Un joueur de flûte égrenait ses classiques, en berçant la ville au clair de lune. Les braises sous la cendre. Certains, silencieux, toujours stationnés aux endroits panoramiques de la ville, ne perdaient rien de vue, telles des statues de commandeur : Boukharouba père, vêtu de sa kachabia, été comme hiver ; l’imam Bouzaheir en tenue blanche immaculée ; l’emnafga, mère de Souidani, torche vive drapée dans sa mélaïa noire. Aucune pellicule, aucune focale, aucune page ne pourra rendre fidèlement ces images sculptées sur le cristal d’une mémoire enfantine. Le premier novembre Souidani avait rejoint Alger.

Le 16 avril 1956, la radio annonce sa mort vers 17h. Il se rendait à Blida en scooter. La police avait mis longtemps à l’identifier, croyant qu’il lui avait échappé une fois de plus et avoir tué un fils de colon à sa place. Les Républiques successives françaises n’étaient pas des dictatures militaires. C’est la responsabilité pénale des exécutifs, en exercice, qui se troue engagée pour avoir ordonné cette terreur sanglante, abusant de leur suprématie technologique contre un peuple désarmé, sous domination depuis plus d’un siècle, avec la complicité active des organes législatifs et judiciaires, réputés, pourtant, indépendants du pouvoir exécutif. Enfin, il n’échappe pas à un observateur avisé que la plupart des exécuteurs des basses besognes ont appliqué en Algérie les méthodes de la Wehrmacht, de la Gestapo et de la Propaganda Staëffel qu’ils étaient censés avoir combattu chez eux : Chataigneau, Achiary, Soustelle, Lacoste auraient lutté pour la France libre, mais ont joint leurs actions à celles du petit tâcheron de la collaboration, Papon ou du Vichyste Mitterrand, décoré de la Francisque à sa demande.

Le peuple algérien a écrit avec son sang la page d’histoire de la libération de sa patrie. Les descendants de ces aïeux légendaires ont l’obligation impérieuse, aujourd’hui, de veiller à la reconnaissance de jure de leur immense sacrifice. D’ailleurs, de nombreux Français, illustres ou anonymes, de toutes les classes d’âge, en hommage aux leurs, réfractaires à la doctrine coloniale, expriment leur soutien à la légitimité de leur revendication. Aucun traité d’amitié ne peut s’édifier sur « des décombres » (terme emprunté à une belle image d’Alistair Horne).

Zahia El Mokrani-Gonon