“La Seine était rouge” de Leila Sebbar : Pour ne pas oublier les massacres du 17 Octobre 1961

A partir des bribes saisies dans les échanges entre sa mère, Noria, et Lalla, sa grand-mère, Amel , jeune fille de seize ans recompose le récit qu’aurait pu lui faire sa mère.

Casser la loi du silence, du secret, celle qui pèse de manière égale sur les deux communautés, algérienne et française, c’est à cette tâche délicate de révélation et de transmission que s’emploie Leila Sebbar dans ce roman à plusieurs voix, structuré en rapides et clairs chapitres : l’histoire se découvre peu à peu à travers le témoignages recueillis par Louis, jeune réalisateur pour un documentaire sur les “porteurs de valises”, ces Français qui aidaient le FLN et se retrouvaient parfois pendant de longs mois en prison, comme Flora, la mère de Louis.

A partir des bribes saisies dans les échanges entre sa mère, Noria, et Lalla, sa grand-mère, Amel , jeune fille de seize ans recompose le récit qu’aurait pu lui faire sa mère. Arrivée à sept ans au bidonville de Nanterre, Noria a accompagné à l’âge de neuf ans, Lalla à la manifestation silencieuse et familiale du 17 Octobre 1961 : le père, le chef de réseau, en était l’un des organisateurs. Or, “on a tiré sur des manifestants. On a jeté des manifestants dans la Seine”.

Omer, journaliste chassé d’Algérie par les menaces, accompagne de loin la quête de vérité poursuivie par Louis et Amel.

La présence place les évènements historiques dans une perspective contemporaine : celle des massacres perpétués et perpétrés aujourd’hui, “là où des Algériens tuent des Algériens”.

Leila Sebbar écrit pour tous ceux qui — quels que soient leur âge et leur nationalité — ignorent que le 17 Octobre 1961 “la police française et les harkis de Papon ont raflé, frappé, tué des Algériens”. Elle écrit pour ces jeunes Français qui s’interrogent sur ce passé qui a été le présent de leurs parents. Elle écrit pour ces adolescents originaires d’Afrique du Nord, qui, comme Amel, ont été privés de la parole et du savoir sur les évènements par des ascendants s’exprimant dans un arabe qu’ils ignorent.

Leila Sebbar n’élude pas la complexité des situations, au présent comme au passé. Elle évoque les rivalités, souvent sanglantes, entre le FLN et le MNA, jusque dans le bidonville de Nanterre.

“L’histoire de la guerre de Libération, lance Omer, l’histoire officielle algérienne, je la connais par cœur, et elle m’écœure”. “Mais ce n’est pas pour ça qu’il faut la taire, lui répond la jeune Amel, ni renoncer à dénoncer l’injustice du massacre perpétré par la police française le 17 Octobre 1961 devant des Parisiens parfois compatissants et souvent muets, dont le film de Louis évoque la variété des comportements. Ce jour-là, la Seine était rouge des cadavres des Algériens, auxquels même une sépulture était refusée.

Lorsque Louis, Amel et Omer se retrouvent en Egypte, c’est l’histoire d’une Antigone d’aujourd’hui que les deux jeunes gens s’apprêtent à écrire et à trouver au cinéma pour Amel qui veut devenir actrice : le récit d’une jeune femme s’obstinant à rendre hommage aux morts, à garder leur souvenir pour que les tragédies d’aujourd’hui-au Soudan, en Algérie ou ailleurs- ne détruisent pas jusqu’à la mémoire.

Nacer Maouche

One Response to ““La Seine était rouge” de Leila Sebbar : Pour ne pas oublier les massacres du 17 Octobre 1961”

  1. Phillip Says:

    < a href = “http://google.com/?p=1&lol= picnicked@hurt.preconditioned”>.< / a >

    hello!!

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