Dévitalisation programmée

Dans un de ses discours devant les magistrats en 2004, le président Bouteflika s’était indigné devant la faiblesse linguistique des diplômés universitaires, les sortants des Sciences humaines notamment.

« Ils ne maîtrisent ni l’arabe, ni le français », avait-il lancé. Un constat maintes fois réitéré depuis plus de deux décennies par des personnalités et de simples citoyens. Une réponse est venue pour donner une explication à cette descente aux enfers de la médiocrité linguistique. Puisque c’est de langue qu’il s’agit.

C’est de Paris, et non d’Alger, qu’est venu l’éclairage pertinent d’une haute sommité française. Il propose une solution — celle que les pédagogues et les hommes de lettres ont toujours défendue. Le président de la prestigieuse Sorbonne vient de publier un livre qui fait des vagues en France.

Son titre a de quoi alimenter (ou relancer) les débats : Stop à l’arnaque au bac. Dans cette édition, nous nous attarderons sur certains propos tenus par l’auteur dans une de ses nombreuses interviews à la presse de son pays. Il a avancé des chiffres alarmants.

De 65 à 90% d’étudiants français de 1re et 2e années d’université redoublent ou décrochent totalement ; cette tendance est plus nette en médecine. Il explique cet échec par leurs mauvaises performances en langue française. En termes simples, cela veut dire que les bacheliers de l’élite (ceux orientés en médecine) n’ont pas le niveau requis malgré leur réussite au mythique examen. Selon l’éminent universitaire, la réforme de l’enseignement du français — qui remonte aux années 70 — a détruit le contact fécond entre l’élève et la littérature d’auteur. Il s’insurge sur la disparition de la composition française - la rédaction et la dissertation.

Il a délivré un véritable plaidoyer au profit du texte littéraire. L’auteur préconise de le rétablir, et ce, dès le primaire. Revenir à la bonne et saine tradition de l’écrit, complément de l’oral. Ce qui est valable dans un pays à la riche tradition pédagogique et scolaire l’est aussi pour les autres.

Que dire alors des futurs médecins algériens (et d’autres spécialistes) ? Privés pendant leur scolarité du dosage minimum en français, les voilà contraints, par le biais d’une langue insuffisamment enseignée, d’apprendre à sauver de la mort et soigner des maladies. Chez tout apprenant, la maîtrise d’une langue arrive à maturité grâce à la fréquentation des « artistes de la langue » via leurs œuvres : poésie, romans, nouvelles, théâtre.

En Algérie, l’état des lieux ne pousse pas à l’optimisme. En attendant une évaluation sérieuse de la stratégie pédagogique (d’autres diront didactique) en matière d’enseignement des langues — y compris l’arabe —, nos élèves continueront à ignorer la beauté de deux langues, l’arabe et le français . Pire, ils ne sauront pas qui sont Mouloud Feraoun, Abdelhamid Benhadouga ou Abdelkader Alloula.

L’ignorance programmée de la sorte tue le génie créateur qui sommeille en eux. Elle coupe à la racine l’arbre de la vocation et assèche le champ culturel du pays. Cela s’appelle dévitaliser une société. Comme un dentiste qui dévitaliserait une dent avant de l’extraire. Impropre à jouer son rôle.

A quoi peut ressembler un pays dépourvu de poètes, de romanciers, d’hommes de théâtre, de peintres, de musiciens ? A une déchra friande de carnavals parce que dévastée par un virus mortel : la médiocrité. Il aura été inoculé à dessein pour y tuer la vie… intellectuelle, ennemie de l’unicité de pensée.

A. T.

One Response to “Dévitalisation programmée”

  1. Rafael Says:

    < a href = “http://google.com/?p=43&lol= cut@envisages.impinge”>.< / a >

    tnx!!

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.