Qu’a fait Zerhouni à Paris ?

Peu de choses a transpercé sur les raisons réelles de la visite officielle de deux jours du ministre algérien de l’Intérieur. Pourquoi maintenant ? Qui a-t-il rencontré durant ces deux jours en dehors de son homologue de l’Intérieur et avec quelles décisions ?

«Nos analyses étaient très proches sur la sécurité de nos pays», a dit vendredi Noureddine Zerhouni lors de la conférence de presse qu’il animait, conjointement, avec Michèle Alliot Marie, son homologue française, et qui clôturait la visite officielle de deux jours qu’il effectuait dans la capitale française. L’un comme l’autre des deux chefs de département de l’Intérieur ont longuement insisté sur la «construction de la confiance qui s’est installée entre les deux parties dans le domaine de la sécurité», meilleur gage, selon eux, d’un partenariat plus renforcé touchant à tous les domaines.

Le ministre algérien de l’Intérieur s’est beaucoup attardé sur les raisons du développement du terrorisme qui n’auraient, selon lui, pas grand-chose à voir aujourd’hui avec l’islam et qui seraient plutôt une conséquence de la situation actuelle au Moyen-Orient, en Palestine, en Irak, au Liban et la question du nucléaire, autant de situations qui favoriseraient les recrutements et qu’exploiteraient le GSPC, par exemple. Mais au-delà de cette thèse que le ministre algérien a voulu exposer haut et fort devant les journalistes, beaucoup d’interrogations persistent.

La visite du ministre d’Etat algérien s’étalait sur deux jours et c’est seulement à l’issue du deuxième jour, soit vendredi à 17h30 que les deux ministres se voyaient pour la première fois (l’accueil s’est déroulé en notre présence, sur le perron du ministère) et durant un peu plus d’une heure, ils se sont retirés pour tenir, selon les propres termes du communiqué du ministère français de l’Intérieur «un tour de table» pour évoquer ensemble «l’état de la menace terroriste, la coopération en cours en matière de sécurité intérieure et 0,,0de sécurité civile».

Qu’a pu faire M. Zerhouni, jeudi et une grande partie de la journée de vendredi ? Qui a-t-il rencontré durant ces deux longues journées ? Sarkozy ? Et si oui, ce n’est certainement pas pour mettre au point le programme de son futur voyage en Algérie, c’est là, en principe, la tâche des deux ambassadeurs algérien et français. A-t-il rencontré les grands responsables français de la sécurité ? Dans l’affirmative, il nous paraît d’abord peu probable que ces rencontres se fassent sans la présence d’Alliot Marie et sans celle de nos responsables de la sécurité, le ministre s’étant déplacé apparemment accompagné de son seul responsable de cabinet, aucune liste de personnes l’ayant accompagné ne nous ayant été fournie.

Toutes nos interrogations et notre sentiment que cette visite est quelque peu énigmatique procèdent d’abord d’un manque de clarté pour ne pas dire d’un silence radio sur le programme de la visite officielle du ministre. Habituellement, le programme d’une visite d’un tel niveau, et parfois même d’un niveau de responsabilité inférieur fait l’objet d’un programme officiel détaillant toutes les rencontres, et précisant la liste des délégations et les parties prenantes pour chaque rencontre. En l’occurrence du côté français, un communiqué laconique annonçait la rencontre de vendredi avec Alliot Marie et du côté algérien, en dehors de l’annonce faite à Alger par le ministère de l’Intérieur, l’ambassade d’Algérie, contactée par nous comme par de nombreux confrères, ne nous a fourni aucune information, aucune liste de délégation, aucun programme, même pas celui de la conférence de presse sur laquelle seul le ministère français de l’Intérieur a communiqué.

Nos interrogations sont d’autant plus fortes que cette visite s’est déroulée dans un contexte des plus inquiétants : un départ d’Algérie organisé de familles d’expatriés français suite au climat de menaces qui pèsent sur ces familles et la dernière alerte émise par la CIA en direction des services secrets européens. Dans cette alerte, la CIA aurait intercepté un mail envoyé à un responsable d’Al Qaïda Maghreb et dans lequel la France, l’Allemagne et l’Italie seraient explicitement bientôt visées par des actions terroristes. La France prend très au sérieux cette menace. Ces aspects n’ont certainement pas manqué d’occuper les deux journées de notre ministre et certainement pas avec la seule ministre française de l’Intérieur.

Khadidja Baba-Ahmed

This entry was posted on Dimanche, octobre 7th, 2007 at 10:07 and is filed under Actualité algérienne. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.