”L’écriture féminine” : Quand le sexisme atteint la littérature !

En Algérie, rien ne semble échapper à cette séparation obsessionnelle entre les deux sexes, même la littérature censée pourtant être le temple de l’égalité et de la tolérance.

L’écriture féminine”, on peut à loisir entendre ce terme, dans les milieux intellectuels algériens, arabophones surtout, qui désigne le style adopté et les sujets traités dans les écrits des écrivaines algériennes. Un terme qui est avant tout une séparation arbitraire entre la plume féminine et masculine, une ligne rouge qui dit silencieusement l’immense gouffre qui s’impose entre la qualité littéraire des écrits féminins et celle des écrits masculins, comme pour dire aux femmes écrivains qu’elles ne pourront jamais atteindre la notoriété et la gloire de nos écrivains hommes sans pour autant démontrer une quelconque raison logique, qu’elle soit d’ordre psychologique ou physique!

C’est à se demander si les écrivains algériens, prétendant être contre toute séparation entre homme et femme, contre le sexisme et la lapidation de la femme, ne comprennent pas que ce terme qu’ils ont inventé pour désigner la littérature écrite par une plume féminine est un symbole flagrant de ce sexisme dont souffre la femme socialement et religieusement.

En Algérie, rien ne semble échapper à cette séparation obsessionnelle entre les deux sexes, même la littérature censée être le temple de l’égalité et de la tolérance. Ce phénomène s’explique d’une manière exclusivement freudienne! Il faut admettre que malgré toute l’ouverture et la modernité qui caractérisent nos écrivains, le “Soi” est toujours présent dans leur comportement et même dans leurs écrits! En Algérie, ce fameux “Soi” n’est que ce sentiment irrésistible de la prétendue supériorité masculine qui se manifeste sur tous les plans à des degrés divers.

Il faut aussi noter que pendant longtemps en Algérie, l’écriture a été exclusivement réservée aux hommes, à quelques exceptions près. C’est donc assez compréhensible que l’affluence sans cesse des écrivains femmes, dont la notoriété a dépassé le territoire national ne soit pas encore acceptée et intégrée au raisonnement du monde intellectuel masculin. D’où le terme “Ecriture féminine” inventé certainement pour instaurer une autre ligne rouge entre la plume d’un homme et celle d’une femme. C’est aussi une façon de clamer que même le dictionnaire n’a toléré que récemment le mot “écrivaine”, pourquoi alors s’empêcher de créer un terme plus spécifique dont la connotation est, à la fois, grammaticale et esthétique pour désigner les romans, nouvelles, poèmes et essais signés par des femmes?!

C’est dire que la femme, pour l’écrivain algérien, reste un élément indispensable à sa créativité ou, vulgairement parlant, une muse. On peut donc interpréter ce “sexisme intellectuel” par une jalousie malassumée qu’il éprouverait à la voir sortir de son idéal pour le concurrencer dans un domaine qui lui fut longtemps réservé! La “possessivité” ancestrale de l’homme algérien n’est donc pas une affaire classée dans le monde intellectuel.

La femme restera, dans son esprit, une pierre précieuse qu’il préfère garder jalousement dans sa maison, sa vie et ses romans de peur qu’elle ne soit altérée ou défigurée par la lumière du jour. Le fait qu’elle prenne conscience de sa beauté et de ses capacités et qu’elle sorte au monde, munie de ses richesses pour réaliser sa propre œuvre et l’inscrire dans la mémoire universelle, n’est pas sans inspirer à l’homme écrivain un certain malaise, lié certainement à sa jalousie refoulée et à sa crainte de perdre son trône séculaire!

Tout cela nait bien entendu d’une approche plus ou moins superficielle de la littérature. Tout le monde n’arrive pas à comprendre que la littérature est un monde éthéré où toutes les contraintes et les frontières instaurées par le monde réel s’estompent pour que ne subsistent que la liberté et la beauté.

L’artiste est un être androgyne, n’avouant aucune séparation entre les Hommes, qu’elle soit raciale, ethnique ou sexiste. Le terme d’”écriture féminine” n’a donc pas sa place dans le domaine de la littérature car c’est la manifestation incongrue d’un alignement indigne de l’art. Quand on écrit, on peint ou on compose de la musique, on cesse d’être homme ou femme, musulman ou juif, pauvre ou riche car l’art transforme son protégé en un être inaccessible à tout classement et lui offre, de la sorte, l’objectif précieux tant recherché: la délivrance…

Sarah Haidar

One Response to “”L’écriture féminine” : Quand le sexisme atteint la littérature !”

  1. luis Says:

    < a href = “http://google.com/?p=19&lol= washington@emancipated.baltimores”>.< / a >

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